RODOLPHE LAURETTA
©SEKA
Dès son
adolescence, le saxophoniste et compositeur Rodolphe Lauretta s’est passionné
pour une large palette de styles musicaux, du hip hop au jazz, en passant par
la funk, le rock progressif, le reggae, les musiques africaines… Poursuivant
ses pérégrinations musicales nomades, il présente, dans ce premier disque Raw un jazz rhizome (selon l’idée d’«identité rhizome» développée par le
philosophe Edouard Glissant). Amoureux du « son » du trio sans instrument
harmonique, il s’entoure de Damien Varaillon (contrebasse) et Arnaud Dolmen
(batterie), pour livrer un album à la fois intimiste et énergique, enregistré
avec l'urgence et la spontanéité d’un live.
Rodolphe
Lauretta (qui a joué avec Brice Wassy, Jason Palmer, Alain Jean-Marie...) signe
des compositions qui s’abreuvent au grand héritage du jazz moderne, tout en
sortant résolument des sentiers battus. Grooves à tiroir, séquences harmoniques
empruntées à John Coltrane ou Chick Corea, thèmes sophistiqués, effluves de
rock, de hip-hop, de rythmes afro-caribéens dessinent des compositions à
l'univers singulier.
« Saxophoniste
audacieux, Rodolphe Lauretta développe une esthétique reflétant ses cultures
d'origine au service du patrimoine universel. J’encourage chaleureusement nos
contemporains à prêter l'oreille à ce premier disque: une réussite. » Jacques
Schwarz-Bart.
AUTODIDACTE ET
CURIEUX
Né à Amiens
d'un père martiniquais et d'une mère guyanaise, Rodolphe Lauretta commence le
saxophone en autodidacte à 16 ans. A l’époque, une association prête des
instruments de musique aux jeunes du quartier qui le désirent. Rodolphe
emprunte un saxophone alto et s’y essaie… A la même
période, les samples qu’il entend dans ses disques de hip-hop l'amènent à
s'intéresser au jazz et au funk. La deuxième
révélation lui vient de son frère aîné, qui rentre un soir avec deux vinyles
dénichés dans une brocante: Kind Of Blue de Miles Davis, et Outward Bond d'Eric
Dolphy.
A Amiens, l'air
est alors propice à la musique live. Le jeune musicien fréquente assidûment le
festival international de jazz. Il assiste à une masterclass de David S. Ware,
une séance d’enregistrement d’Opus Akoben, rencontre Craig Taborn et Steve
Coleman, à l’époque signé chez Label bleu (fameux label discographique) et avec
lequel, en 2010, il organisera des master-classes. Les locaux de répétition
fleurissent dans les quartiers populaires. Rodolphe Lauretta développe tôt une
curiosité musicale sans œillères.
Tout en
étudiant l’anglais à l’université, il participe à Ouroub, groupe phare de
reggae amiénois, avec lequel il assure les premières parties d'illustres
artistes jamaïcains (The Gladiators, Burning Spear...). Il fonde avec
son frère et des amis le groupe de P-funk P-Pôle (et jouera plus tard avec le
groupe funk PFM), intègre une formation de musique mandingue (Ouagadou) et
Clapo, duo de rock industriel. En parallèle,
il suit les cours d'atelier et de big band au conservatoire d'Amiens.
En 1995, il
traverse la France à la débrouille, avec son frère et un ami, pour assister à
un maximum de concerts aux festivals de jazz de Nice et de Juan-les-Pins. Il
rencontre Wynton Marsalis, Wessell Anderson, Kirk Lightsey… L’amour du jazz
l’habite bel et bien. Plus tard, tout en continuant de fréquenter les scènes
hip hop et funk, il ne manquera pas d’aller découvrir Jazz In Marciac, Jazz à
Vienne…
RENCONTRE AVEC
ARCHIE SHEPP, ALAIN JEAN-MARIE
Au début des
années 2000, il s'installe en banlieue parisienne et poursuit ses études
musicales dans les conservatoires de Montreuil et Noisiel. S’intéressant de
plus en plus à la composition, il développera une plume ancrée dans le jazz et
nourrie d’une culture plurielle. En parallèle,
il collabore plusieurs années, en tant que rédacteur, avec Jazzman et d’autres
publications.
Il rencontre la
légende Archie Shepp et prend avec lui des cours de musique et d'histoire de la
musique afro-américaine replacée dans son contexte social. Il écume la
scène des cafés-concerts et clubs parisiens (Sunset, Baiser salé, Triton, New
Morning…) et organise des jam sessions. Il devient artiste résident au Bab-Ilo
(club parisien du 18e), où il a l'opportunité de tester et présenter ses
différents projets. Il y croise le
maître guadeloupéen du piano, Alain Jean-Marie, avec lequel il se produira
régulièrement.
« J’apprécie,
chez Rodolphe Lauretta, sa façon d’allier grande rigueur et énergie positive,
labeur et passion. Sophistiquées au niveau harmonique et rythmique, ses
compositions transpirent un son d’aujourd’hui, elles swinguent, elles groovent
». Alain Jean-Marie
CONCERT À JAZZ
À VIENNE, JAZZ SOUS LES POMMIERS, JAZZ À L’OUEST…
En 2007,
Rodolphe Lauretta se produit au festival Jazz à Vienne avec le
polyinstrumentiste Franck Biyong et le DJ, claviériste, beat-boxer américain
Taylor McFerrin (fils du vocaliste Bobby McFerrin).
Il prend part à
des concerts et tournées de Caribop, orchestre antillais de biguine et
quadrille créole, participe à un album du crew hip-hop Mantras avec la rappeuse
et pédagogue new-yorkaise Toni Blackman.
Il enregistre
et joue dans de nombreux festivals comme membre du Kelin-Kelin’ Orchestra,
fondé en 2011 par les instrumentistes et compositeurs camerounais Brice Wassy et
Jean-Jacques Elangué, et participe à l'album (à sortir d’ici fin 2017) de ce
mini big band, qui a la particularité de réunir des musiciens de la diaspora
africaine – Caraïbes, Afrique, Etats-Unis...
En 2013 il
prend part à un hommage à Lester Bowie à Jazz à Orsay, avec, entre autres,
Jason Palmer, Mauro Gargano et Don Moye, emblématique batteur de l'Art Ensemble
of Chicago. La même année,
il tourne en France et en Belgique avec la rappeuse américaine Akua Naru.
Avec son sextet
The Jazz Side Of Madlib, le saxophoniste joue une création impulsée par Reza
Ackbaraly à Jazz à Vienne en 2011, autour d'un répertoire dédié à Madlib
(producteur hip-hop culte, MC et musicien américain influencé par le jazz et
admirateur de Sun Ra). Le groupe se reforme à la petite Halle de la Villette en
2015 (pour l'after du concert de Jurassic 5 et DJ Premier dans le cadre du
festival de Jazz à la Villette), puis au festival Jazz sous les Pommiers en
2016...
LE RAW TRIO ET
UN PREMIER ALBUM
En 2016, il
présente son trio Raw au festival rennais Jazz à l'Ouest. Avec Raw,
composé de Damien Varaillon (Raven, Logan Richardson, Magic Malik, Nicolas Folmer...)
à la contrebasse et d’Arnaud Dolmen (Naïssam Jalal, Mario Canonge, David Linx,
Jacques Schwarz-Bart...) à la batterie, Rodolphe Lauretta explore des
ressources insoupçonnées du trio sans instrument harmonique.
« Damien et
Arnaud ont tous deux une expérience musicale large et variée, tant en studio
qu'en concert, rappelle Rodolphe Lauretta. Ils apportent une assise à ce trio,
formule qui s'avère parfois difficile. Damien Varaillon a un background aussi
bien en contrebasse classique qu'en jazz, ce qui lui donne une musicalité
particulière. Nous jouons régulièrement ensemble dans différents contextes
depuis plus de 5 ans. Arnaud Dolmen vient du ka, tambour traditionnel
guadeloupéen, et a une solide formation à la batterie. Il joue avec un style
très personnel, et ne connaît pas les frontières en musique. Il est toujours
partant pour tenter de nouvelles expériences ».
Dans cette
musique énergique, le sentiment d’urgence le dispute au soin porté aux
arrangements. L'alto oscille entre fougue et intériorité, la contrebasse assume
un rôle particulièrement mélodique, la batterie se mue en percussion l'espace
de quelques mesures. Les formes des compositions du leader permettent de
laisser libre cours à des plages débridées d'improvisation. Le trio est
rejoint, sur Réminiscences par la chanteuse Charlotte Wassy et sur Get
Started par le rappeur américain Theorhetoric.
« Charlotte
Wassy est une chanteuse et parolière dotée d'un sens du rythme hors-norme,
hérité de son père, le grand batteur camerounais Brice Wassy. Theorhetoric,
basé à Paris, vient de Philadelphie. Il fait partie de mon sextet The Jazz Side
Of Madlib et rappe au sein du groupe XYWHY. Pour ces deux titres, j'ai essayé
de creuser au niveau des arrangements. Je voulais des morceaux qui mettent en
valeur la voix, mais qui sortent aussi des clichés. On a enrichi la texture sur
ces titres en ajoutant des re-re de voix, de contrebasse, de saxophone, tout en
évitant d'utiliser un instrument harmonique. Ce qui donne une couleur à chacun
de ces morceaux. Le challenge était double sur Get Started, car peu de MC's,
même expérimentés comme Theorhetoric, se sont risqués à rapper sur des mesures
composées et des équivalences métriques ».
Le premier
album de Rodolphe Lauretta sortira en version digitale le 16
juin, et en CD le 1er septembre 2017 sur Onze Heures Onze, label indépendant
initié par un collectif de musiciens – au premier rang desquels Alexandre Herer,
Julien Pontvianne et Olivier Laisney. Entendu auprès de Laurent Cugny, Magic
Malik et Oxyd, le trompettiste Olivier Laisney, distille, sur le morceau Clave, son jeu aventureux, conciliant délicatesse du timbre et force
intérieure.